Excédé de voir de nombreux ouvrages dits "de référence" sur le sauternais ou sur la pourriture noble montrer quasi invariablement de magnifiques exemples de raisins atteints de pourriture grise. Notre cher oncle Jean s'arma un beau jour d'octobre 1997 de son appareil photo... et voici le résultat.
Cette photo prise dans le Sporen sur gewurztraminer montre à l'évidence des grains sains (rouge clair) des grains pourris plein (de couleur violette caractéristique pour le gewurz.) et des grains flétris ayant perdus une bonne part de leur eau.
C'est dans les conditions suivantes que le botrytis cinerea présente tout son intérêt et a sur la qualité du raisin un effet magique:
- un millésime précoce où dès la fin septembre les raisins ont atteint leur pleine maturité
- des vignes âgées, peu vigoureuses avec de faibles rendements et aucun apport azoté
- plusieurs jours d'affilée alternance de périodes humides sous la forme de brouillards matinaux et non de pluie suivis d'après-midi chaudes et ensoleillées qui permettront l'évaporation de l'eau des baies dont la peau aura été rendue perméable par le développement du botrytis cinerea.
Le résultat sera, après une récolte méticuleuse, par tries successives des grains flétris, un moût de plus de 20° potentiels et une SGN 1997 qui reste encore aujourd'hui une référence chez nous.
En 2006, c'est une toute autre histoire et il est plus fréquent en se promenant dans certaines vignes de trouver un gewurztraminer qui ressemble à ceci.
La photo date d'hier et a été prise dans un vignoble dont nous tairons le nom. Excès d'engrais azotés entraînant un excès de vigueur et un feuillage toujours vert foncé encore à cette période. Résultat: les pluies récentes ont été "pompées dans les grains" les faisant parfois éclater et permettant le développement de ces filaments caractéristiques (conidies) de la pourriture grise.
Le résultat sera des raisins vidés de leur substance et dilués avec en prime des goûts de moisi peu engageants. Si dans l'urgence le vigneron aura fait appel à la récolte mécanique tout ceci infusera de longues heures et le breuvage n'en sera que plus détestable.
Tout n'est pas sombre à ce point, des rendements et une vigueur maîtrisés ont dans de nombreux cas donné des raisins qui seront longtemps restés sains comme ça a été le cas pour nos superbes pinot noirs rentrés avant les pluies de week end dernier.
Dans le meilleur des cas, pour les plus patients il y aura des raisins atteints de pourriture noble côtoyant d'autres plus roturiers dont la récolte demandera une bonne connaissance de ce champignon capricieux. La météo des prochains jours sera déterminante mais à ce jour tous les espoirs sont permis.
Rendez-vous d'ici quelques années pour tirer les vraies conclusions d'un millésime déjà décrié.